Aider ou soulager les aidants ?

Un petit détour pour comprendre la vie des aidants.

Aider, c’est tendre la main. Soulager, c’est enlever le poids. Pour les aidants, la différence n’est pas un mot, c’est une vie qui change.

Parler d’aide aux aidants ne suffit plus. Ce qu’il faut, c’est une politique du soulagement : retirer réellement la charge qui les écrase, et non seulement les encourager et les entretenir à la porter.

Aider, c’est utile. Soulager, c’est vital. Les aidants n’ont pas besoin de conseils en plus, ils ont besoin qu’on prenne une partie de leur charge.

Il y a des mots qui paraissent proches et pourtant ouvrent des mondes différents. Aider et soulager en font partie.

Aider, c’est accompagner un geste déjà engagé. Celui qui aide apporte une indication, une ressource ponctuelle, un encouragement. Il donne une clé, une lumière, une main momentanée pour continuer à avancer. Aider, c’est soutenir la personne qui porte le fardeau afin qu’elle le porte un peu mieux. On ajuste la posture, on enlève une pierre, on applaudit l’effort. L’aidant, malgré tout, reste seul responsable de la lourde charge.

Soulager, c’est autre chose. C’est un geste plus radical, plus décisif. Soulager, c’est prendre en compte la charge elle-même. C’est la soutenir de l’extérieur, poser des étais solides, ou la retirer des épaules de celui qui ploie. Soulager, c’est donner du répit, rendre l’air respirable, offrir la possibilité de vivre à nouveau sans la constante oppression du poids.

On pourrait dire que soulager, c’est aider autrement, mais ce serait insuffisant. Car soulager, ce n’est pas simplement une intensification de l’aide, c’est un changement de logique : on ne renforce pas la capacité à supporter, on transforme les conditions mêmes du support.

Pour les familles qui accompagnent une personne handicapée, malade ou vieillissante, la différence est immense. L’aide est précieuse, mais elle ne change pas le destin quotidien. Le soulagement, lui, modifie la vie. Il rend possible le répit, la sérénité, la projection dans l’avenir.

C’est pourquoi nous pourrions dire que les « commissions d’aide aux aidants » devraient devenir des « commissions de soulagement ». Non pas se contenter de donner des conseils, des guides ou des encouragements, mais bâtir une organisation qui retire réellement une partie de la charge, qui l’étaye durablement.

Le philosophe pourrait conclure :

« L’aide répare un instant, le soulagement transforme une existence. »

Et c’est cela que nous devons à ceux qui portent chaque jour, souvent dans l’ombre, la vie de leurs proches vulnérables : non pas seulement les aider à continuer, mais les soulager pour qu’ils puissent aussi vivre.

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On raconte l’histoire d’une vieille dame qui, chaque jour, traversait la campagne avec un lourd fardeau sur le dos.

Les passants, compatissants, ne manquaient pas de lui donner des conseils : « Marchez plus droit ! »
« Prenez ce chemin, il est moins escarpé ! », « Reposez-vous de temps en temps, cela ira mieux ! », etc. Certains l’encourageaient, d’autres lui montraient des astuces. Elle remerciait, reprenait son souffle… mais la charge restait entière, sur ses épaules.

Un jour pourtant, un paysan s’arrêta. Il regarda la vieille dame, et sans un mot, il prit le fardeau, l’installa sur sa charrette et reprit la route à ses côtés en promettant à la vielle dame qu’il continuera comme cela, chaque jour, tant que ce fardeau à porter existera.

Alors, pour la première fois depuis longtemps, la vieille dame marcha les mains libres, soulagée, respirant l’air frais de la campagne en rêvant d’un avenir plus désirable.

La vie des aidants ressemble souvent à celle de cette vieille dame. Tant que nous nous contentons d’« aider », nous leur laissons leur charge. Mais lorsque nous décidons de « soulager », tout change.

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