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Je suis père de Nicolas, autiste. Je suis moi même autiste asperger.
Que de résistance avant d’accepter le handicap. Dès l’enfance de Nicolas, ma famille et moi ne comprenions rien de la violence que nous vivions. Finalement anéanti et révolté par les réponses du Système, j’ai décidé, avec l’appui de mon épouse et de ma fille, d’abandonner la carrière professionnelle qui m’était promise pour me consacrer à l’amélioration de l’organisation des intelligences collectives au profit du handicap.
J’ai notamment concrétisé ce bouleversement en 2006 en prenant une mission de conseil partiel en innovation organisationnelle au sein une grande association du handicap, pour essayer de comprendre, au cœur des dispositifs, les tenants et les aboutissants du monde sanitaire et médico-social en France. J’y ai approfondi les lois, les systèmes, les organisations, les états d’esprits et les difficultés des acteurs. A plusieurs endroits j’y ai vu et j’y vois encore des désordres, des curiosités, des formes d’impuissances collectives.
La Norme heurte toujours mon regard particulier. Je remercie tous mes proches, tous mes amis qui font chaque jour l’effort d’accepter cette singularité.
Pourtant, en France, les lois sont excellentes pour le handicap, particulièrement depuis 2002, 2005 et 2016. Les bonnes volontés et les moyens sont présents partout, mais l’impossibilité d’organiser la cohérence autour des personnes vulnérables m’a frappé d’emblée et me frappe encore.
Une collection d’intelligences remarquables, ne fait pas forcement une intelligence collective.
Je suis membre et administrateur de plusieurs associations de parents et amis, c’est à dire de défenseurs légitimes, intimes de nos enfants et de nos amis. Je le suis pour me rapprocher des leviers qui permettront d’inventer collectivement et d’essayer de mieux faire encore, et de faire sûrement autrement.
Cet engagement est important pour tous les handicapés qui ne peuvent pas se défendre et vivre sereinement par eux même, pour toutes les familles que l’on dit aider ici ou là et qui restent dans le désarroi.
J’aimerais remercier nos anciens et toutes les personnes qui, comme moi, se sont engagés et s’engagent avec abnégation, et d’autres encore qui viendront. Cet engagement là est l’engagement de tous les parents et amis, de tous les défenseurs et protecteurs ultimes.
Défendre les personnes handicapées, mais contre quoi ? Les « cas » ce ne sont pas les personnes handicapées, ce sont les situations que le Système laisse, créé ou entretient par impuissance ou pour d’autres causes cachées.
J’appelle les personnes et les familles qui le peuvent à s’exprimer au sein d’associations et partout ailleurs. Je formule l’espoir que d’ici moins de 10 ans l’organisation autour de la personne et de sa famille sera radicalement améliorée et sanctuarisée.
Ensemble, si nous nous accordons et coopérons au même sens, nous permettrons tout espoir, voire même verrons nous l’utopie de Projets de Vies plus apaisés, remplis d’espoirs, en harmonie, pour nos enfants, pour nos familles, pour nos amis.
La vie de nos enfants ne commence pas et ne s’arrête pas aux murs de nos structures, aussi dorées soient-elles.
Bien au-delà des façons de penser des pouvoirs publics, des instances, des établissements, des associations du moment, bien au-delà de la notion d’accueils et de places, en s’appuyant sur le solide existant que nous avons, je crois fondamentalement qu’il est possible de faire autrement et qu’un jour les Personnes vulnérables pourront Gouverner, Piloter et Vivre leur Projet de Vie.
Ici point d’engagements de moyens ou de résultats totalement inopérants face au handicap. Nous n’avons qu’un devoir, celui d’essayer sans cesse.
Essayons donc sans relâche, sans fin. Inventons de nouvelles façons d’accompagner, ouvertes, transverses, coordonnées, coopérantes.
Renversons, inversons les pouvoirs actuels pour que la personne vulnérable puisse devenir maître de sa Vie.
Notre toute nouvelle association nous donne enfin l’espoir de dépasser les habituels paradigmes imposés aux personnes et aux familles.
Il y a tellement de bonnes idées, chez vous personnes handicapées, chez nous parents et amis, chez vous professionnels, partout chez nous et ailleurs dans d’autres associations, dans d’autres structures.
Je suis pour la présence et l’expression du handicap au sein même des gouvernances pour bousculer et enrichir la Norme, pour la faire sortir de l’étrangeté de ses représentations, de ses prisons mentales, de ses habitudes.
Ensemble réussissons en veillant bien à ce que la composante de nos forces soit positive et qu’elle soit mise en mouvement puissant par le fait que nous partageons l’imaginaire du pourquoi et du comment.
Une seule chose nous relie tous: le sourire de nos proches. Et c’est parce que ce sourire là et souvent difficile à percevoir qu’il doit faire l’objet du seul indicateur que nous devrions avoir sous les yeux.
Le travail collectif du projet DEDICI me donne l’espoir que nous pourrons être une intelligence collective rassemblée autour de ce seul but.
Car le plus difficile reste à faire. Je veux faire partie d’une volonté qui osera bousculer radicalement la façon dont nous pourrons vous aider, vous accompagner, vous personnes handicapées, vous familles, nous tous.
Que tout cela puisse être réalisé et sanctuarisé au delà de nos propres existences.
Jean-Luc LEMOINE