Ainsi soit-il.
L’autodétermination commence peut-être par un pas de côté.
Vous ne pensez pas ? Vous n’en pensez pas !?
Vous, sous les Grands Toits, qui réfléchissez à l’autodétermination, avez-vous le bon point de départ ?
On vous voit tenter d’adapter vos structures, de réformer vos dispositifs, de repenser vos cadres d’accompagnement. Mais vous partez peut-être du mauvais endroit.
L’autodétermination ne se construit pas sous de Grands Toits. Elle commence ailleurs, là où vous ne regardez pas assez : sous les Petits Toits, ces cercles intimes qui ne vous appartiennent pas.
Vous pensez souvent intégration, accès aux droits, inclusion dans des cadres existants ou d’autres que vous imaginez. Mais c’est peut-être un piège. L’autodétermination ne consiste pas à faire entrer la personne dans un “quelque chose”. Elle consiste à reconnaître l’espace qui est déjà le sien.
Faire un pas de côté.
Ce pas de côté, c’est sans doute la clé du changement. La sortie du cadre habituel et le renversement du regard peuvent-ils être salutaires ?
Ce qu’il faudrait peut-être voir en premier, c’est le Petit Toit de chaque personne vulnérable, cet espace privé, indépendant, qui n’appartient qu’à la personne et qui ne doit à aucun moment être absorbé par les Grands Toits.
Le Petit Toit, un Cercle de Confidences.
Le Petit Toit, c’est une organisation qui appartient exclusivement à la personne, qui est intriquée à elle. Ce n’est pas un dispositif, ni un programme institutionnel. Pour la personne vulnérable, c’est son espace de confidences, ses repères, ses liens de confiance.
Ce Petit Toit repose sur trois pièces de charpente majeures :
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La personne elle-même, qui en est l’unique propriétaire.
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Les fibres rouges, de ceux qui la défendent et la protègent sans condition.
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Les fibres vertes, de ceux qui s’occupent de sa situation et rendent sa vie possible avec ce qu’offre la solidarité.
Et ces trois pièces majeurs doivent être indéfiniment soutenues par un socle.
Même aussi petit soit-il, ce Petit Toit existe avant toute interaction avec les Grands Toits. Il est là avec la personne, avant qu’elle ne rentre dans un service, avant qu’elle ne cherche à accéder à des droits, avant qu’elle n’entre dans une institution.
Et c’est à partir de ce Petit Toit qu’elle doit pouvoir se projeter librement,à condition que son espace de repli et d’abri ait été identifié, respecté, protégé, puis soutenu et renforcé.
Changer de posture.
Les Grands Toits ont une habitude : leur point de vue est leur, et donc la référence à partir de laquelle on organise l’accompagnement des personnes vulnérables.
Ne serait-ce pas la très grosse erreur d’un problème mal posé ?
La personne ne doit pas s’adapter à l’institution. C’est l’institution qui doit apprendre à accueillir une personne en reconnaissant d’abord ce qui existe autour d’elle et qui la suit partout où elle est, partout où elle sera.
Cela veut dire que les Grands Toits doivent cesser de vouloir tout structurer en leur sein, depuis leurs regards.
Il faut arrêter cette autodétermination-là.
L’autodétermination, la vraie, commence en dehors d’eux, dans l’espace intime de la personne, et c’est depuis cet espace qu’elle doit pouvoir interagir avec le reste du monde. Cet espace n’est pas du ressort des Grands Toits, sauf l’obligation qu’ils devraient avoir de partager leurs fondations.
Ce pas de côté que les institutions n’arrivent pas à faire, sera une rupture avec les logiques actuelles. Il impose un changement fondamental : ces Grands Toits ne doivent plus chercher à intégrer la personne dans leurs référentiels. Ils doivent s’assurer que la personne puisse les traverser librement, en restant elle-même, avec son Petit Toit à elle sur elle.
Penser l’autodétermination sous un autre angle.
Si l’on veut que l’autodétermination ne soit pas la valise creuse qu’elle semble être déjà, il faut commencer par accepter que la personne et son Petit Toit existent en dehors de toute institution. Il faut commencer à penser que chaque institution doit le soutenir comme fondation.
Il faut que les Grands Toits apprennent à regarder ce qui leur échappe, ce qui ne leur appartient pas, et à le reconnaître comme un élément central de toute politique de solidarité. L’autodétermination ne se décrète pas.
Elle se conçoit, en garantissant que chaque personne ait son Petit Toit privé, sous lequel coopèrent des personnes de confiance en cercle de confidences.
Son Petit Toit devra être respecté par tous, sous tous ces Grands Toits où la Personne sera ou qu’elle traversera.
C’est la première condition de toute autodétermination réelle. C’est le premier pas que les Grands Toits doivent accepter de faire s’ils veulent vraiment parler d’émancipation.
Ainsi je suis (sous mon Petit Toit). Ainsi soit-il (du moins je crois).